« C’était normal : Ceausescu, le PCR, on vivait avec, pourquoi en parler ? ». Quand Vanina Vignal rencontre Ioana en Roumanie en 1991, le dictateur est tombé mais les deux amies ne parlent pas davantage de politique. APRES LE SILENCE n’a de cesse d’en découdre avec le silence transmis de génération en génération dans cette famille – et dans le pays tout entier. Armée d’un dictionnaire, de son roumain courant et d’une connaissance intime de la famille de son amie, la cinéaste fait preuve d’un volontarisme inédit dans un genre documentaire constitué, l’évocation des abus d’une dictature, qui se contente parfois de recueillir des témoignages. Au nom de son lien d’amitié avec Ioana, elle l’interroge sans relâche, creusant un secret de famille mal mis au jour et mettant ainsi à l’épreuve la bulle individuelle dont elle s’était entourée. Mais plus la conversation avance, plus l’amie roumaine détaille le mécanisme d’évitement du politique qu’elle a développé sous la dictature. Bientôt cet apolitisme de survie se révèle carburant du système, trop content que les cerveaux se déconnectent volontairement.
Charlotte Garson, cinéma du réel 2012